Ukraine : Dominique Chargé (LCA) fait le point sur la dernière réunion interministérielle
PGE, bouclier énergétique, mise en production des terres disponibles, révision des prix : le président de La Coopération agricole, Dominique Chargé, détaille les mesures demandées aux pouvoirs publics le 4 mars face aux impacts de la guerre en Ukraine.
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Une trentaine de représentants de la filière agricole et agroalimentaire ont rencontré vendredi 4 mars en matinée les ministres de l’Agriculture et de l’Économie lors d’une réunion de concertation au sujet de l’impact de la guerre en Ukraine sur la chaîne alimentaire. La Coopération agricole, la Fédération du négoce agricole, l’Ania, la FNSEA et les interprofessions ont sollicité les pouvoirs publics sur un certain nombre de mesures d’urgence pour aider les entreprises à faire face aux points de fragilité et de rupture relevés par les professionnels.
« Le secteur alimentaire sera le plus touché par la crise comme cela a été souligné ce matin », annonce le président de La Coopération agricole, Dominique Chargé, lors d’une interview accordée à notre revue Agrodistribution, le 4 mars.
Assurer la sécurité des personnes et la production
Première mesure immédiate demandée par la filière, comme celle-ci a été appelée à continuer d’assurer au maximum son activité de production en Ukraine, « la nécessité d’assurer alors la sécurité des personnes et d’avoir des niveaux de garantie pour se couvrir si cela se passe mal ».
Et pour compenser la baisse inéluctable des productions agricoles ukrainiennes, « nous avons demandé de remettre en production toutes les terres agricoles disponibles en France et en Europe, dont la jachère ». En effet, si l’Ukraine ne met pas en terre aujourd’hui ses productions dont le maïs, duquel la France est plus dépendante ainsi que du tournesol pour ses tourteaux, « nous aurons un problème qui sera décuplé en disponibilité à partir de l’automne prochain ». Et qui concerne bien sûr d’autres régions du monde comme le Maghreb et l’Egypte.
À cela, s’ajoute le risque lié à une absence de production de semences qui est une activité importante en Ukraine. « Si cette production de semences qui doit être semée maintenant, ne l’est pas, on se retrouvera avec un problème d’approvisionnement en semences sur 2023 et alors un problème de disponibilité en consommation sur 2024 ». Trois coopératives semencières françaises ont une activité dans ce pays, Euralis, qui vient d’ailleurs de fermer son usine de semences à 200 km au sud de Kiev, Limagrain et Maïsadour.
Desserrer la pression sur les bilans
D’autre part, les entreprises françaises se retrouvent soumises à des tensions de trésorerie du fait de l’inflation des prix en raison des très fortes tensions sur les marchés. « Par exemple, en céréales, face aux cours élevés, les besoins de trésorerie des entreprises sont multipliés par deux ou trois afin de couvrir les appels de marge sur les marchés à terme ».
Pour pallier ces difficultés financières et soutenir les capacités d’investissement, « il est envisagé de prolonger les PGE (prêt garanti d’État) et nous souhaitons également que les PGE réalisés sur les deux dernières années puissent avoir une maturité plus longue, huit à dix ans, et qu’ils puissent être transformés en quasi-fonds propres afin de desserrer la pression sur les bilans ». Les professionnels demandent aussi de rendre les avances remboursables plus accessibles.
Face à la hausse des prix de l’énergie, une mesure supplémentaire a été sollicitée, à l’image de ce qui se fait pour les particuliers : « la mise en place d’un bouclier énergétique sur le gaz (et le pétrole) dont le prix flambe. Son poids dans le coût de production peut monter à plus de 50 % dans des filières comme la betterave sucrière, les amylacés ou encore la poudre de lait. Et nous avons aussi un effet sur les engrais azotés puisque leur prix est directement connecté au prix du gaz qui a été multiplié pratiquement par cinq entre 2019 et aujourd’hui. Dans un contexte de visibilité quasi nulle, ce prix pourrait de nouveau très fortement augmenter ».
Faire activer les clauses de révision des prix
Le président de LCA insiste d’ailleurs sur le fait que « si nous ne pouvons pas mettre de tunnel pour encadrer les hausses de ces différents niveaux de coûts, notamment pour les productions animales par rapport au prix de l’aliment, il va y avoir un problème ». Aussi, pour limiter ce problème, une autre mesure a été sollicitée lors de la réunion du 4 mars et qui se réfère à l’application de la loi EGalim.
« Nous avons demandé de faire valoir les clauses de révision dans les négociations commerciales avec une activation immédiate. Nous demandons aussi que l’on nous permette de rouvrir les négociations sur les marques distributeurs qui ne sont pas concernées par les négociations commerciales faites jusqu’au 1er mars. D’autant qu’on est sorti plutôt fragilisé de ces négociations. Et si on doit faire face à un nouveau train de hausse, qui est inévitable, il va falloir que nous puissions faire passer aussi un train de hausse vers nos distributeurs ».
Par ailleurs, dans un pas de temps un peu plus long, les professionnels souhaitent le renforcement des aides des pouvoirs publics à l’investissement et au fonctionnement sur la production de biogaz et des autres énergies renouvelables afin de développer l’autonomie énergétique. « Le ministre est complètement en soutien sur ce sujet. Cependant, dans les ordres de priorité, il va déjà falloir passer la période actuelle. Et plus que jamais, il est nécessaire d’assurer notre souveraineté alimentaire ».
Hélène LaurandelPour accéder à l'ensembles nos offres :